Je suis en train de réécouter la musique du film que j’ai revu hier soir, Moon (de Duncan Jones sorti en 2009, musique composée par Clint Mansell). Elle me fascine. Sans parler de l’accompagnement qui l’entoure ou plutôt devrais-je dire l’enrobe, une mélodie née de quelques notes au piano. Simple et répétitive, jusqu’ici rien de bien original. Mais… comme un refrain, la mélodie est ponctuée de deux ou trois notes à la sonorité bizarre, comme décalée. Pas plus, mais qui reviennent souvent. Et alors que se passe-t-il…Ce sont ces quelques notes seulement qui tiennent tout le morceau! Et font même davantage : elles nous accrochent, ne nous lâchent plus, et si nous lâchons quand-même nous font revenir. Et si nous décrochons par obligation ou nécessité, et bien… elles tapent l’incruste et viennent avec nous. Dans notre tête.
C’est comme si elles se fusionnaient à deux ou trois neurones dans notre cerveau. Tel un redoutable virus invisible, sonore. Nos deux ou trois neurones alors semblent jouer cette mélodie dissonante. Produisant un formidable écho dans la tête, le corps, le cœur… Quelque chose d’irrésistible et en même temps irritant. Une sorte de démangeaison sonore devenant viscérale. L’écho s’amplifie parce qu’il trouve à d’identifier autour de lui. Quelque chose de dissonant en soi, mais pas seulement. Tout autour de soi. Une vague irritation familière, comme une blessure archaïque qui ne se refermerait pas. C’est notre vie elle-même qui porte cette dissonance. Une fausse note quelque part cachée qui fait que la vie nous échappe, et nous ne pouvons nous-même nous cerner et contrôler.
L’insupportable et irrésistible dérapage de notre vie : une décision mal prise, un acte manqué par faiblesse, lâcheté ou simplement ignorance. Et c’est toute la mélodie qui prend alors une tournure inattendue… Imprévisible, inquiétante, dramatique la plupart du temps. Comme cette musique, ces fameuses diaboliques deux ou trois notes. Dissonantes par la sonorité ou le rythme. Le pied qui dérape, la cheville qui se tord et l’oreille qui siffle et cherche à se raccrocher. Nous n’en finissons pas d’écouter, réécouter produire ou reproduire ces notes. Elles sont partout : dans la musique, les films, les livres, le récit de nos vies. Les histoires de cœur qui s’emballe et se décroche et raccroche à ces faux-semblant de fausses notes. Qui nous rappellent avec cet humour bien particulier – car oui c’est une forme d’humour : nous sommes bien peu de choses. Deux ou trois battements organiques dans l’immensité infinie de l’univers…
